23 juin 2006


INDICATEUR DU RESPECT DES REGLES DE COMMERCE LOYAL : CHRISTINE LAGARDE REPOND A JEAN PAUL VIRAPOULLE
Paris, le 13 juin 2006
Cher Monsieur le Sénateur,
Vous avez voulu par votre courrier en date du 3 mai attirer mon attention sur la nécessité de créer un indicateur du respect des règles du commerce international dans les pays membres de l'OMC.
C'est une question particulièrement importante, notamment dans le contexte actuel de méfiance vis-à-vis de la mondialisation économique. Je comprends donc votre souhaite de pouvoir disposer d'un indicateur synthétique permettant de noter les comportements des acteurs du commerce international. Il rejoint la volonté du gouvernement de tout faire pour garantir le respect des règles de l'OMC par nos partenaires, afin de donner à nos entreprises des conditions de concurrence égales.
La question est complexe. Il est tout d'abord difficile de définir clairement ce qu'on appelle les "règles du commerce international", au-delà des règles de l'OMC qui sont elles clairement définies et renvoient à des procédures précises. S'il n'existe pas aujourd'hui "d'indicateur", nous disposons déjà d'un certain nombre d'outils pour veiller au respect des règles de l'OMC.
En effet, les membres d el'OMC sont soumis régulièrement à une revue par leurs pairs qui donne l'occasion d'un examen approfondi des pratiques commerciales de chacun. De même, les membres de l'OMC sont tenus de respecter des règles spécifiques relatives à la lutte contre les pratiques de dumping ou encore à l'utilisation abusive de subventions qui font d'ailleurs l'objet de discussions dans le cadre du cycle de Doha. En outre, lorsque cela s'avère nécessaire, nous avons recours à l'Organe de Règlement des Différends, chargé de régler les litiges entre les membres. Les entreprises européennes disposent à cet égard d'outils pour se protéger contre des pratiques déloyales de leurs concurrents.
Les règlements européens anti-dumping et sur les obstacles au commerce (ROC) leur permettent de saisir la Commission en vue d'imposer des droits anti-dumping permettant de réparer le préjudice subi par l'industrie communautaire ou d'obtenir une action à l'OMC contre les gouvernements "fautifs". Nous veillons à ce que ces outils puissent être utilisés par nos entreprises lorsqu'elles ont un besoin légitime d'y avoir recours.
La situation est plus complexe pour ce qui ne relève pas des règles de l'OMC. Vous indiquez dans votre courrier la nécessité de prendre également en compte le comportement des pays vis-à-vis de certaines normes sociales et environnementales, de la variation monétaire. Ces règles, pour lesquelles l'Union Européenne s'est fixée des standards de haute qualité, ne dépendent pas de l'OMC et leur respec ne pourrait être évalué par cette instance. En effet, les discussions sur les normes sociales ont été exclues de l'agenda de négociation du Cycle de Doha à la demande des pays en développement, celles sur le lien entre l'environnement et le commerce sont très limitées, tant en raison des réticences des pays en développement que des ONG. Enfin, les sujets de change ne relèvent pas des accords de l'OMC, l'article XV du GATT cherchant juste à instaurer une coopération étroite entre l'OMC et le FMI.
Les pays développés ont néanmoins le pouvoir, dans le cadre des préférences commerciales unilatérales, de privilégier les pays respectant un certain nombre de critères objectifs. Ainsi, l'Union Européenne, avec le plein soutien de la France, garantit des préférences commerciales améliorées, dites "SPG +" (système de préférences généralisées), aux pays ayant ratifié et mis en oeuvre 17 conventions internationales, dont les 8 conventions les plus importantes de l'Organisation Internationale du Travail, celles constituant le droit coutumier international des droits de l'homme et 6 liées au respect de l'environnement.
Enfin, le gouvernement mène de façon régulière des enquêtes auprès de l'ensemble des missions économiques sur les difficultés que les entreprises françaises rencontrent dans l'accès à des marchés tiers. Les services du Minefi assurent un suivi de ces dossiers et agissent dans les enceintes compétentes, en collaboration avec la Commission Européenne pour régler les problèmes de nos entreprises. De même, le Ministère agit activement dans la lutte contre la contrefaçon qui fait partie des pratiques dont beaucoup de nos entreprises se plaignent.
Je peux vous assurer de toute l'attention que le gouvernement accorde à ce problème général de régulation du commerce mondial et reste à cet égard à l'écoute attentive de vos travaux et suggestions. Comme mon directeur de cabinet vous l'a proposé le 16 mai dernier, je vous confirme que mes services et mon cabinet sont à votre disposition pour travailler avec vous sur ce sujet et pourront vous proposer une réunion de travail pour examiner le véritable état du marché sur quelques pays-clé sélectionnés ensemble.
Je vous prie de croire, Cher Monsieur le Sénateur, à l'assurance de ma considération distinguée.
Christine LAGARDE

09 juin 2006







OMC : Nous devons définir des regles du jeu égales pour tous dans les négociations commerciales!

Question orale sans débat n° 1035S de M. Jean-Paul Virapoullé (La Réunion - UMP) :

"M. Jean-Paul Virapoullé appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les négociations du « cycle de DOHA » au sein de l’OMC. En effet, ces négociations ont pour objectif, à chaque fois, de libéraliser le commerce international en faisant chuter le niveau de protection douanière ainsi que les quotas des pays membres. Or, à ce jour, non seulement, il apparaît que l’arsenal douanier des pays dits « émergents », déjà dopés par un bas coût salarial, n’a pas disparu, mais il n’existe pas d’indicateurs fiables quant aux pratiques protectionnistes dites « déguisées » : sous-évaluations monétaires, dumping, contrefaçons, transferts obligatoires de technologie, marchés protégés, travail illégal des enfants ou de prisonniers, non respect de l’environnement… L’Europe, quant à elle, en respectant ces obligations, supporte un surcoût important qui pèse sur ses exportations. Il l'interroge donc sur l’opportunité de la création d’un indicateur du respect des règles du commerce international, qui, sur le modèle des agences de notation, éclairerait les pouvoirs publics durant les négociations internationales. Cet indicateur pourrait être mis en place par une agence publique chargée d’analyser le commerce international. "


Question orale


M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, auteur de la question n° 1035, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Jean-Paul Virapoullé.



"Monsieur le ministre, il y a un an, les Français disaient « non » à la Constitution européenne. Ce vote a provoqué deux réactions. Certains ont voulu culpabiliser les Français ; d'autres, comme moi, qui ont voté « oui », ont plutôt cherché à comprendre pourquoi 54 % d'entre eux avaient rejeté une Constitution qui mettait en place une économie sociale de marché et qui était un embryon de pouvoir politique pour l'Europe.Un sondage publié récemment montre que 74 % des Français sont inquiets des conditions dans lesquelles s'effectuent le démantèlement de nos tarifs douaniers et de nos quotas de production, les échanges libéraux entre l'Europe et le reste du monde. Je fais partie de ces Français !En mettant en place le cycle de Doha, on a progressivement déréglementé nos barrières douanières et mis en compétition frontale des pays dits émergents avec des économies possédant des règles, un modèle social et un certain niveau de vie. Aujourd'hui, nous constatons que ces pays dits émergents sont devenus des puissances « submergentes ».Qui peut aujourd'hui nier que la monnaie, qui est l'un des moyens essentiels des échanges, n'est pas soumise partout aux mêmes règles ?Qui peut aujourd'hui nier que la Chine est le premier atelier du monde de la contrefaçon, qui porte atteinte à nos PME, alors que ce n'est pas le cas en Europe ?Qui peut nier que l'existence d'un code du travail dans les pays dits développés et son refus dans d'autres pays placent notre classe sociale la plus laborieuse dans des conditions difficiles ?Mon but est non pas de remettre en cause la mondialisation, mais de faire un examen de la situation et, à l'instar du médecin, vérifier la tension du malade, prendre sa température, etc.Dans le domaine des échanges, cette mondialisation, qui a consisté à placer entre les mains de technocrates le pouvoir politique qui appartient aux élus, aboutit à un divorce entre le pouvoir démocratique et le pouvoir technocratique. Je demande donc que soient mis en place des indicateurs afin de mesurer le respect des règles fixées par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC.Tout le monde ne respecte pas ces règles et ne fait pas preuve de la même loyauté. Dès lors, des couches de misère apparaissent, des divorces entre des gouvernements démocratiques et leur peuple se font jour, et nous nous retrouvons dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.Je suis favorable à la libéralisation de l'économie, mais pas dans n'importe quelle condition ni sans en mesurer les conséquences ou sans respecter les règles fixées par l'OMC. Tel est l'objet de ma question.M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué.M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants.

Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, qui n'a pas pu être présente ce matin pour répondre directement à votre question. Je vais donc vous communiquer sa réponse.La libéralisation du commerce international et l'émergence de pays en développement de plus en plus compétitifs ont renforcé le besoin d'un cadre de concurrence loyale.Le Gouvernement comprend donc votre souhait de pouvoir disposer d'un indicateur synthétique permettant de noter les comportements des uns et des autres. Votre proposition rejoint notre volonté de tout faire pour garantir le respect des règles de l'OMC par nos partenaires.Il convient tout d'abord de rappeler que les membres de l'OMC disposent d'outils efficaces pour examiner le respect de ces règles par tous. Chaque membre de l'OMC est soumis à une « revue » par ses pairs. Il faut renforcer ce processus de surveillance multilatérale, en particulier concernant les grands pays émergents. En cas de non-respect des règles de l'OMC, les États membres qui s'estiment lésés peuvent avoir recours à l'organe de règlement des différends.Toutefois, la situation est plus complexe pour les domaines qui ne relèvent pas des règles de l'OMC, notamment pour certaines normes sociales et environnementales ainsi que pour les taux de change. Comme vous le savez, les discussions sur les normes sociales ont été exclues de l'agenda de négociation du cycle de Doha.Par ailleurs, les négociations à l'OMC sur le lien entre l'environnement et le commerce sont très limitées, en raison tant des réticences des pays en développement que des organisations non gouvernementales.J'indique cependant que les pays développés ont le pouvoir, dans le cadre des préférences commerciales unilatérales qu'ils accordent aux pays en développement, de privilégier les pays respectant un certain nombre de critères objectifs annoncés à l'avance.Enfin, le Gouvernement mène régulièrement des enquêtes, par l'intermédiaire des missions économiques à l'étranger, sur les difficultés que les entreprises françaises rencontrent dans l'accès à des marchés tiers.Il suit attentivement ce dossier et agit dans les enceintes compétentes, en collaboration avec la Commission européenne. Il participe aussi à la lutte contre la contrefaçon, car c'est un fléau qu'il faut combattre.Au-delà de ces considérations, ce débat doit se poursuivre. Le Gouvernement, en particulier ma collègue Christine Lagarde, reste à l'écoute des travaux du groupe de travail parlementaire sur la mondialisation, que vous animez.