26 mai 2006














DES PAYS EMERGENTS AUX PAYS SUBMERGENTS



De 21 avril en 29 mai, nous devons admettre, empiriquement, que l’Europe a cessé de faire le bonheur de ses peuples et que, désormais, ceux-ci semblent se défier de leurs élites.

Le débat économique de ce milieu de décennie est dramatiquement dominé par des politiques d’offres qui accordent foi à un seul et unique paradigme visant avant tout à muscler des entreprises européennes censées être défaillantes et moins bien armées ou moins flexibles que leurs homologues américaines ou asiatiques.

Cette vision des choses apparaît à la fois empiriquement fausse (pour qui veut observer) et provoque dans les populations européennes une irritation légitime étant donné les efforts réels qu’elles ont consentis depuis 25 ans.

Elle est, de surcroît, fausse car aujourd’hui, les véritables pays productifs sont le Japon ou l’Euroland (l’Allemagne est le 1er exportateur et le 1er pays excédentaire au monde) tandis que les Etats-Unis et l’Angleterre collectionnent à la fois déficits extérieurs, budgétaires et endettement global gigantesque.

Si l’on prend en compte le P.I.B. chinois calculé en parité de pouvoir d’achat, la croissance mondiale est effectivement relativement forte, mais si l’on se limite à l’ensemble des pays de l’O.C.D.E. – c’est-à-dire les « pays riches » - on s’aperçoit que cette même croissance mondiale a été divisée par 3 en 40 ans.

De fait, il est légitime de s’interroger sur les conditions dans lesquelles évoluent les entreprises européennes dans le cadre concurrentiel actuel que l’on nomme, par néologisme, la « mondialisation ».

Cette mondialisation correspond à un cadre bien spécifique dans lequel la seule loi officiellement écrite est celle qui consiste à ouvrir son marché sans contrainte à l’ensemble des compétiteurs, ce qui signifie pour n’importe quelle Nation l’obligation d’accepter le combat économique, si déloyal soit-il.

Mais sur les conditions dans lesquelles va se dérouler ce même combat, point de renseignements ni de règles…

Il s’agit pourtant d’un combat tronqué, qui apparaît libéral en apparence mais qui ne l’est en fait pas du tout car le véritable libéralisme exige un cadre légal dans lequel tout le monde joue avec les mêmes règles. On a beaucoup parlé ces derniers temps de commerce équitable en s’apitoyant sur le sort des P.V.D. sans s’apercevoir que les pays « émergents », malgré un credo libre-échangiste, utilisent aujourd’hui toute une batterie de mesures discriminatoires à notre encontre ?


Il existe actuellement six types de discriminations qui frappent les pays développés et qui détruisent le tissu économique et social.

Le 1er type de discrimination concerne le coût global du travail. Il est le plus connu et, effectivement une des discriminations les plus destructrices du tissu économique.
Le salaire payé aux employés représente qu’on le veuille ou non le pouvoir d’achat actuel autorisé par le travail des générations précédentes. Loin d’être un obstacle à la compétition, la maximisation de ce pouvoir d’achat est l’objectif même de l’économie : faire le bonheur du plus grand nombre.

Autoriser la confrontation entre un ouvrier français et un ouvrier chinois par exemple, revient donc à renier et mettre en cause l’objectif même de la compétition en cours, et ce en plein milieu du match…

Mais nos économies sont aussi concurrencées par des discriminations monétaires, l’exemple le plus scandaleux étant la sous évaluation du yuan chinois (mais aussi du dollar américain) qui correspondent à des protectionnismes déguisés.

Faisons-nous travailler nos enfants ? Nos prisonniers ? Produisons-nous sans nous soucier de l’environnement ? Non bien sûr, et tout ceci possède un coût dont l’Inde ou la Chine, mais aussi le Brésil, la Turquie ou d’autres ne s’encombrent pas.

Enfin, il faut aussi s’apercevoir que perdurent des comportements protectionnistes en matière commerciale ou d’investissements stratégiques alors que, selon les propres termes de Peter Mandelson, « l’Europe est le marché le plus ouvert au monde »…Même la très libérale Amérique possède un arsenal législatif défensif et la Chine interdit tout investissement qui ne soit pas directement contrôlé par l’Etat, c’est-à-dire le P.C. chinois.

Dès lors, on comprend mieux l’archaïsme des thèses qui nous recommandent de nous « spécialiser vers des productions à haute valeur ajoutée ». Aujourd’hui la Chine envoie de hommes dans l’espace : demain ils concurrenceront nos Airbus et nos prétendus services « intelligents ».

Aujourd’hui, au minimum la France et l’Europe doivent posséder les éléments statistiques de base quant à la réalité de l’ouverture de ces pays « submergents » au commerce international, lesquels ne se résument certainement pas à une connaissance approximative des droits de douane ou des quotas. Il est grand temps de créer, sur le modèle des Agences de Notation, un indicateur statistique fiable du respect des règles de l’O.M.C. qui montrera au grand jour notre naïveté de croire en la bonne parole de ces pays.



Jean-Paul Virapoullé
Sénateur de la Réunion